C’est loin d’être votre seule publication autour de la télémédecine. Pourriez-vous nous en parler ?
Dr Pierre Simon : Nous collaborons en effet de longue date pour accompagner le développement de cette pratique professionnelle, dans la continuité des travaux du Pr Louis Lareng, père de la télémédecine en France. Nous avons donc travaillé ensemble sur Télémédecine et télésoin. L’essentiel pour pratiquer*, un guide technique et médical enrichi de plusieurs cas cliniques, que nous avons d’ailleurs rapidement complété par Télémédecine et télésoin**, où nous avons inclus 100 cas d’usage pour refléter toutes les situations et assurer une mise en œuvre réussie.
À qui s’adresse plus particulièrement Télémédecine et télésoin. L’essentiel pour pratiquer ?
Dr Pierre Simon : Nous avons souhaité réagir à la première vague épidémique du printemps 2020, qui a vu ces pratiques augmenter de manière exponentielle alors même que les professionnels de santé n’y étaient pas préparés. Bien qu’entrées dans le droit commun en 2018 et 2019, la téléconsultation et la téléexpertise peinaient en effet à décoller, tandis que le télésoin ne faisait encore l’objet d’aucun cadrage règlementaire. Nous ne savons d’ailleurs toujours pas dans quelle mesure il a été adopté par les pharmaciens et les auxiliaires médicaux en 2020. Ce qui est certain, c’est que 20 millions d’actes de téléconsultation, dont une moitié effectuée par téléphone, ont été remboursés par l’Assurance maladie cette année-là. Mais ce mode d’exercice a décontenancé de nombreux professionnels de santé, et beaucoup ne souhaitent pas réitérer l’expérience… Notre ouvrage s’adresse donc aux 25 % de médecins qui continuent de pratiquer la télémédecine, ce qui est déjà un net progrès puisqu’ils n’étaient que 2 % en 2019.
Pr Thierry Moulin : Il s’agit, plus concrètement, de leur donner des clés pour accompagner le développement de cette pratique, sur la base des enseignements mis en lumière par la crise sanitaire. Nous nous adressons également aux étudiants en médecine, en mettant à leur disposition un manuel qui leur permettra de mieux s’approprier la démarche dans le cadre de leur formation initiale. La pandémie a en effet souligné la nécessité de mieux préparer les nouvelles générations aux enjeux du numérique en santé, qui occupera une place centrale dans la médecine de demain. Cette littératie numérique représente d’ailleurs un sujet autour duquel je me mobilise depuis déjà plusieurs années : en tant que directeur de l’UFR Santé à l’Université de Franche-Comté, j’ai par exemple contribué à la mise en œuvre de certifications spécifiques, et travaille actuellement avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour que se créent de nouvelles formations en santé numérique.
Dr Pierre Simon : Nous collaborons en effet de longue date pour accompagner le développement de cette pratique professionnelle, dans la continuité des travaux du Pr Louis Lareng, père de la télémédecine en France. Nous avons donc travaillé ensemble sur Télémédecine et télésoin. L’essentiel pour pratiquer*, un guide technique et médical enrichi de plusieurs cas cliniques, que nous avons d’ailleurs rapidement complété par Télémédecine et télésoin**, où nous avons inclus 100 cas d’usage pour refléter toutes les situations et assurer une mise en œuvre réussie.
À qui s’adresse plus particulièrement Télémédecine et télésoin. L’essentiel pour pratiquer ?
Dr Pierre Simon : Nous avons souhaité réagir à la première vague épidémique du printemps 2020, qui a vu ces pratiques augmenter de manière exponentielle alors même que les professionnels de santé n’y étaient pas préparés. Bien qu’entrées dans le droit commun en 2018 et 2019, la téléconsultation et la téléexpertise peinaient en effet à décoller, tandis que le télésoin ne faisait encore l’objet d’aucun cadrage règlementaire. Nous ne savons d’ailleurs toujours pas dans quelle mesure il a été adopté par les pharmaciens et les auxiliaires médicaux en 2020. Ce qui est certain, c’est que 20 millions d’actes de téléconsultation, dont une moitié effectuée par téléphone, ont été remboursés par l’Assurance maladie cette année-là. Mais ce mode d’exercice a décontenancé de nombreux professionnels de santé, et beaucoup ne souhaitent pas réitérer l’expérience… Notre ouvrage s’adresse donc aux 25 % de médecins qui continuent de pratiquer la télémédecine, ce qui est déjà un net progrès puisqu’ils n’étaient que 2 % en 2019.
Pr Thierry Moulin : Il s’agit, plus concrètement, de leur donner des clés pour accompagner le développement de cette pratique, sur la base des enseignements mis en lumière par la crise sanitaire. Nous nous adressons également aux étudiants en médecine, en mettant à leur disposition un manuel qui leur permettra de mieux s’approprier la démarche dans le cadre de leur formation initiale. La pandémie a en effet souligné la nécessité de mieux préparer les nouvelles générations aux enjeux du numérique en santé, qui occupera une place centrale dans la médecine de demain. Cette littératie numérique représente d’ailleurs un sujet autour duquel je me mobilise depuis déjà plusieurs années : en tant que directeur de l’UFR Santé à l’Université de Franche-Comté, j’ai par exemple contribué à la mise en œuvre de certifications spécifiques, et travaille actuellement avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour que se créent de nouvelles formations en santé numérique.
[[1]]url:#_ftnref1 Pierre Simon et Thierry Moulin, Télémédecine et télésoin. L’essentiel pour pratiquer, Collection Outils, Éditions Le Coudrier, 176 pages. Paru le 11 février 2021.
[[2]]url:#_ftnref2 Pierre Simon et Thierry Moulin, Télémédecine et télésoin, Éditions Elsevier Masson, 192 pages. Paru le 7 avril 2021.
L’idée, in fine, est de rééquilibrer les rapports entre les professionnels de santé et l’industrie.
Dr Pierre Simon : Cette notion sous-tend en effet tous nos travaux. Il y a aujourd’hui deux forces en présence dans le développement du numérique en santé. D’une part, les industriels, éditeurs et start-ups, qui souhaiteraient que tout aille vite et pour lesquels la pandémie a représenté une opportunité formidable. Et de l’autre, les professionnels de santé, dont les pratiques sont aujourd’hui bousculées et qui, pour beaucoup, le vivent comme un véritable choc culturel. Il leur faut justement des clés, pour pouvoir faire la part des choses et notamment différencier ce qui relève des pratiques professionnelles et ce qui relève des offres de services. Ce n’est qu’ainsi que les outils numériques en santé seront réellement co-construits, sans qu’une force ne prenne l’ascendant sur l’autre.
Pr Thierry Moulin : Cette ambition a d’ailleurs été de tous temps celle de la SFT, qui a travaillé à l’élaboration d’une doctrine propre à la santé numérique, en lien avec les sociétés médicales savantes. La conférence des doyens de médecine a également pris la pleine mesure de cet enjeu, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais, bien que la dynamique soit en marche, l’impact réel de la e-santé sur les pratiques ne sera perceptible qu’à partir des années 2030, lorsque les étudiants actuels commenceront à exercer. La culture médicale est aujourd’hui basée sur le contact direct entre le médecin et le patient. Il faut que la pratique à distance trouve sa place, que la technologie suive, et que les organisations évoluent au service des patients et des parcours.
Dr Pierre Simon : Cette notion sous-tend en effet tous nos travaux. Il y a aujourd’hui deux forces en présence dans le développement du numérique en santé. D’une part, les industriels, éditeurs et start-ups, qui souhaiteraient que tout aille vite et pour lesquels la pandémie a représenté une opportunité formidable. Et de l’autre, les professionnels de santé, dont les pratiques sont aujourd’hui bousculées et qui, pour beaucoup, le vivent comme un véritable choc culturel. Il leur faut justement des clés, pour pouvoir faire la part des choses et notamment différencier ce qui relève des pratiques professionnelles et ce qui relève des offres de services. Ce n’est qu’ainsi que les outils numériques en santé seront réellement co-construits, sans qu’une force ne prenne l’ascendant sur l’autre.
Pr Thierry Moulin : Cette ambition a d’ailleurs été de tous temps celle de la SFT, qui a travaillé à l’élaboration d’une doctrine propre à la santé numérique, en lien avec les sociétés médicales savantes. La conférence des doyens de médecine a également pris la pleine mesure de cet enjeu, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais, bien que la dynamique soit en marche, l’impact réel de la e-santé sur les pratiques ne sera perceptible qu’à partir des années 2030, lorsque les étudiants actuels commenceront à exercer. La culture médicale est aujourd’hui basée sur le contact direct entre le médecin et le patient. Il faut que la pratique à distance trouve sa place, que la technologie suive, et que les organisations évoluent au service des patients et des parcours.
Justement, comme articuler pratique médicale à distance et pratique en présentiel ?
Dr Pierre Simon : Il n’y a pas ici de règle établie, puisque seul un médecin est à même de juger de la pertinence d’un acte de télémédecine. Le décret du 3 juin 2021 lui confie d’ailleurs cette responsabilité. Le message des pouvoirs publics est dès lors clair : si vous souhaitez pratiquer la télémédecine ou le télésoin, nous mettons à votre disposition les outils juridiques, mais aussi certains fondamentaux comme « Mon Espace Santé » et les applications référencées dans le « magasin numérique » – saluons à ce titre ici le travail formidable réalisé par Dominique Pon et Laura Létourneau. Mais ce sera ensuite à vous, professionnels de santé, de juger de la pertinence d’un acte, en lien avec les recommandations des tutelles. Ce nouveau décret marquera indiscutablement l’évolution de la télémédecine et du télésoin en France, en l’inscrivant notamment dans le parcours du patient.
Pr Thierry Moulin : Il permettra en outre de progressivement sortir de la télémédecine « ponctuelle » proposée par les plateformes privées, et qui n’est, somme toute, qu’un moyen de consommer des soins. Ces plateformes rendent certes service, en particulier pour les soins primaires dans les déserts médicaux. Mais il ne s’agit pas de télémédecine au sens où nous l’entendons – et où l’entendent donc désormais les pouvoirs publics. D’ailleurs, c’est aujourd’hui aux Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) de trouver des solutions pour justement répondre aux demandes de soins non programmés, en présentiel ou à distance. Cela pourrait se faire en lien avec les plateformes privées, sous réserve qu’elles revoient leur modèle.
Dr Pierre Simon : J’évoquerai, pour finir, un autre développement prochainement attendu pour continuer de soutenir la montée en charge de la télémédecine : l’entrée de la télésurveillance dans le droit commun dès 2022, suite aux enseignements du programme ETAPES qui l’expérimente aujourd’hui sur cinq pathologies chroniques. Cette évolution favorisera sans doute la co-construction des outils de télésuivi, mais elle imposera également des modifications organisationnelles pour développer de nouvelles approches thérapeutiques, comme la récupération rapide après chirurgie (RRAC) et les chimiothérapies orales, et surtout détecter précocement les rechutes et complications. Ce sera, aussi, l’occasion de mieux impliquer le patient dans sa prise en charge, d’en faire un acteur de sa propre surveillance, tout en accélérant le recours aux algorithmes IA/Big Data, afin de faire un pas de plus vers la médecine prédictive et personnalisée du XXIème siècle.
Article publié dans l'édition de septembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.
Dr Pierre Simon : Il n’y a pas ici de règle établie, puisque seul un médecin est à même de juger de la pertinence d’un acte de télémédecine. Le décret du 3 juin 2021 lui confie d’ailleurs cette responsabilité. Le message des pouvoirs publics est dès lors clair : si vous souhaitez pratiquer la télémédecine ou le télésoin, nous mettons à votre disposition les outils juridiques, mais aussi certains fondamentaux comme « Mon Espace Santé » et les applications référencées dans le « magasin numérique » – saluons à ce titre ici le travail formidable réalisé par Dominique Pon et Laura Létourneau. Mais ce sera ensuite à vous, professionnels de santé, de juger de la pertinence d’un acte, en lien avec les recommandations des tutelles. Ce nouveau décret marquera indiscutablement l’évolution de la télémédecine et du télésoin en France, en l’inscrivant notamment dans le parcours du patient.
Pr Thierry Moulin : Il permettra en outre de progressivement sortir de la télémédecine « ponctuelle » proposée par les plateformes privées, et qui n’est, somme toute, qu’un moyen de consommer des soins. Ces plateformes rendent certes service, en particulier pour les soins primaires dans les déserts médicaux. Mais il ne s’agit pas de télémédecine au sens où nous l’entendons – et où l’entendent donc désormais les pouvoirs publics. D’ailleurs, c’est aujourd’hui aux Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) de trouver des solutions pour justement répondre aux demandes de soins non programmés, en présentiel ou à distance. Cela pourrait se faire en lien avec les plateformes privées, sous réserve qu’elles revoient leur modèle.
Dr Pierre Simon : J’évoquerai, pour finir, un autre développement prochainement attendu pour continuer de soutenir la montée en charge de la télémédecine : l’entrée de la télésurveillance dans le droit commun dès 2022, suite aux enseignements du programme ETAPES qui l’expérimente aujourd’hui sur cinq pathologies chroniques. Cette évolution favorisera sans doute la co-construction des outils de télésuivi, mais elle imposera également des modifications organisationnelles pour développer de nouvelles approches thérapeutiques, comme la récupération rapide après chirurgie (RRAC) et les chimiothérapies orales, et surtout détecter précocement les rechutes et complications. Ce sera, aussi, l’occasion de mieux impliquer le patient dans sa prise en charge, d’en faire un acteur de sa propre surveillance, tout en accélérant le recours aux algorithmes IA/Big Data, afin de faire un pas de plus vers la médecine prédictive et personnalisée du XXIème siècle.
Article publié dans l'édition de septembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.